Un paradis écologique qui allie la fine fleur de la tradition
architecturale et la magie de la nature.
Lorsqu’en 1997, l’architecte français Gilles Saint-Gilles a découvert
le Panama en vacances chez un ami, il ne savait pas que quelques
années plus tard, il réaliserait un projet hors normes, il créerait
un monde comme seuls les artistes ont le pressentiment, la vision.
Dans la province de Los Santos, au sud-est de Panama, il a découvert
la péninsule d’Azuero, son paysage vallonné, pommelé, doré comme
l’Afrique à la saison sèche, et plus vert encore que la Normandie
à la saison des pluies.
Charmé par ces ondulations qui lui rappelaient la Toscane et
la Dordogne (où il avait, dans une autre vie, restauré avec déjà
une vraie compréhension et une libre interprétation des techniques
de construction périgourdines traditionnelles, un château médiéval
et son parc), Gilles Saint-Gilles s’est senti chez lui.
Malheureusement la déforestation intense, mise en place pour
les besoins de l’agriculture était en train de signer la mort
de la forêt tropicale. Informé de ce désastre écologique, Gilles
Saint-Gilles, nouveau propriétaire des terres, a décidé de recréer
un biotope identique à ce qu’il était avant la déforestation.
Remodeler le paysage, restituer à l’endroit sa nature première,
participer à un Eden, à un paradis luxuriant, magnifié par la
main de l’artiste, tel est son défi. Et pour cela Gilles Saint-Gilles
s’en est donné les moyens.
Sur les 450 hectares du domaine « Azueros » 120 000 arbres ont
été plantés, des espèces originelles telles que le corotou, le
nim, l’acajou, l’acacia mangue, le tagua (qui fournit l’ivoire
végétal et dont les artisans locaux font de merveilleuses sculptures).
Des plantes d’espèces endémiques font enfin revenir une faune
qui devenait rare : aigles harpies, oiseaux migrateurs, papillons
bleus, libellules, perruches, colibris,…
Des allées bordées de citronniers, de manguiers, de palmiers
rares, de fougères exotiques ont été dessinées en méandres pour
épouser la douceur des collines et vous emmener à leur sommet
d’où l’on aperçoit l’océan Pacifique et les plages sauvages. L’enchantement
visuel est total, à perte de vue des fleurs brillent sous le couvert
de grands arbres tropicaux qui diffusent la lumière.
Des plantations utiles ont été programmées. Teck aux larges feuilles,
acajou, cocobolo, nispero, nazareno (bois de violette), ils serviront
à la construction de villas pour les connaisseurs. Celles-ci dessinées
par Gilles Saint-Gilles seront subtilement disséminées parmi les
450 hectares dans ce domaine totalement protégé, puisque 75 %
du sol seront préservés, et 25 % seulement commercialisés sous
forme d’haciendas, de villas. Cette conception d’intégration du
bâti dans la nature, et du respect de l’environnement a été très
bien accueillie et soutenue par les deux grandes associations
américaines « Nature et Conservation », et le « Smithsonian Institute
» actuellement relayées par des associations écologiques panaméennes.
L’objectif pour l’architecte est d’inventer un habitat en osmose
avec cet écrin de verdure. Alors dans son atelier, Gilles Saint-Gilles
ouvre sa très grande boîte de crayons de couleur et se met à dessiner.
Sous son trait, toute la nature se métamorphose. Les bois rouges
de la forêt deviennent charpentes, le teck se transforme en portes
et persiennes. Le bois de la forêt vierge, rapporté tout particulièrement,
est utilisé tel quel avec ses torsions en poutres. Celui du palmier
des hautes montagnes, très résistant, habille les placards ainsi
que le bambou. Les bois de rose, de violette, s’entremêlent avec
du chêne rapporté de France par containers pour former un parquet
« Versailles » devenu panaméen. La terre rouge du pays devient
terre cuite, revêtement de sols, briques de construction. Les
enduits sont naturels, liés avec le sable de la rivière. Les pierres
noires et ardoisières du Chiriqui – une province montagneuse du
Panama – s’assemblent en terrasses. Les galets de la rivière et
ceux de la mer, triés, choisis, forment des dessins et des chemins
tracés par Camille Saint-Gilles.
Tous ces matériaux traditionnels sont travaillés par des artisans
locaux formés par l’équipe de Gilles Saint-Gilles. Le but étant
de concilier l’écologie et l’économie sociale, Gilles Saint-Gilles
est ainsi un acteur du développement durable en initiant une gestion
à long terme des ressources qui demande une participation de la
population.
Homme de regard, de culture, il a su conjuguer les différentes
inspirations de ses voyages en Méditerranée, au Moyen Orient,
en Asie, pour définir un esprit panaméen, un art de vivre. C’est
à travers deux de ses réalisations visibles aujourd’hui sur le
domaine, les « quatre vents », sa demeure privée, intime, et celle
de « l’hacienda Camilla », cette luxueuse guest house, accueillant
déjà des visiteurs du monde entier, que l’on peut découvrir toute
la palette de ses talents.
Au sommet d’une colline, la maison des « quatre vents » est une
maison basse entourée d’une très grande galerie couverte en raison
de la chaleur et de la pluie. L’intérieur est légèrement dans
la pénombre contrastant avec la lumière vive du dehors et la pluie
souvent forte. Car pour Gilles Saint-Gilles il y a deux vies bien
distinctes, celle de l’intérieur et celle de l’extérieur. Son
remarquable système de fenêtres modulables qui ponctuent les façades,
à la fois moustiquaire, volet et jalousie, fermées par une structure
très simple en colombe (comme dans les châteaux anciens) répond
parfaitement aux données climatiques. A l’époque des alizés, elles
peuvent s’entrouvrir, et l’air circule ainsi dans la pièce, évitant
toute ventilation artificielle. Si on y regarde de près, tout
est étudié, réfléchi pour un maximum de confort, de plaisir. De
nombreux jours dans les bois, dans les portes rythment l’architecture
où chaque détail est pensé en fonction de la circulation de l’air.
Car, comme dit Gilles : « il faut profiter du moindre souffle
qui passe ».
Ce défi pour lui était nouveau, il s’y est passionné, il a cherché
à s’adapter le mieux possible au climat ambiant.
Son parti pris au « quatre vents » a été la simplicité, la légèreté,
le dénuement. Les grandes galeries extérieures sont cernées de
murets bas et larges, lissés à la chaux et enduits de pigments
naturels. Chaleureux, ils deviennent bancs pour la conversation.
Les terrasses de la maison, en pierre claire, se doivent de rester
immaculées pour une circulation pieds nus, elles se prolongent
vers un jardin de mousses. Galets et mousses, étudiés pour valoriser
les sensations, le plaisir, vous conduisent à une case de bambou,
la maison de méditation, légère et intemporelle. Le soir, des
lumières cachées dans les pierres ou dans des tuiles taillées,
semblent sortir de la matière. Elles sont invisibles le jour car
Gilles souhaitait le moins possible de matériaux manufacturés.
Rester dans la sensation de la nature, de l’odeur du bois, de
la chaleur des enduits, de la pérennité des pierres semble être
le credo des « quatre vents ».
La guest house « l’hacienda Camilla » à quelques kilomètres de
là, est une magistrale synthèse de différentes inspirations architecturales.
Moins de légèreté tropicale ici, plus de recherches audacieuses
dans les volumes. Tout est ici déclinaison du grand talent, du
savoir-faire de Gilles Saint-Gilles, qui depuis l’âge de vingt
ans, construit dans le monde entier, en Europe, au Moyen Orient,
aux Etats Unis, des demeures et des palais, dans une richesse
de style étonnante. « L’hacienda Camilla » est la promesse des
possibles. De la chambre à la coupole de briques, au patio mexicain,
de la maison du potager au grand salon, avec sa collection d’antiquités
précolombiennes, aux merveilleuses salles de bains en tadelakt,
à la piscine où l’eau joue voluptueusement avec l’arête du rebord,
tout est luxe, exigence, et enchantement du regard.
Chaque visiteur s’attachera à un détail particulier qui lui racontera
une histoire. Il est difficile d’en énumérer la liste. Le mieux
est de faire soi-même le voyage au pays d’Azueros. Le découvrir,
c’est découvrir les aspirations les plus profondes d’un homme,
qui à l’aube de la maturité, a le désir fou de transmettre son
amour du beau et des traditions à une équipe d’artisans, pour
faire vivre son rêve d’un monde harmonieux, serein, fusionnel
avec la nature, et le partager avec ceux qui voudraient bien le
suivre.
Pyla sur Mer, le 26 Août 2005
Agnès SOULEZ LARIVIÈRE